Ma nouvelle patronne

Billet

Lucien raconte son entretien d’embauche avec Jeanne Lalochère, qu’il surnomme in petto Dame Jeanne. Elle a une lubie : elle a peur d’un incendie et redouble de précautions à cet égard. Lucien logera au village proche, chez une amie de sa tante. Il est très content de cet emploi et se dit que tout va bien se passer.

Avec : Jeanne Lalochère

Je l’ai enfin rencontrée ce matin, Madame Lalochère, que je surnomme déjà Dame Jeanne depuis sa première réponse par mail à ma candidature, lorsque j’ai découvert son prénom. J’ai vu ce jeu de mots comme un bon présage !

Première surprise : elle est toute jeune, dans la trentaine, ce que je n’avais pas deviné lors de nos trois coups de téléphone du mois passé. Attention mon Lulu, elle a une voix douce et des manières agréables, mais semble ne pas s’en laisser conter facilement. Ce sera donc Madame Lalochère, Madame à la rigueur, parce que je ne crois pas qu’elle apprécierait vraiment ma petite plaisanterie.

Dame Jeanne est toute jeune pour un vieux bonhomme comme moi, mais je me suis habitué depuis quelques années à rencontrer des patrons et patronnes à peine sortis de leur école. Après presque cinquante ans au compteur dans l’hôtellerie, j’en ai vu tellement, et de toutes les sortes, que je pourrais écrire un livre rien que sur ce sujet. Ce sera pour ma prochaine retraite, qui arrive à grands pas, et je rêve que cet emploi à l’auberge soit mon dernier poste. Ensuite, à moi la traversée du désert à dos de chameau, les vagues de l’Atlantique et les îles paradisiaques comme Marie-Galante, à siroter du rhum agricole, le meilleur du monde, sous mon cocotier.

Deuxième surprise, et de taille : le contrat de travail, la déclaration d’embauche à l’URSSAF, la mutuelle d’entreprise, tout était prêt ! En général, c’est lors de ce premier entretien qu’on voit venir les problèmes, quand le patron te dit qu’on verra ça plus tard, avec le comptable… pour découvrir plus tard que les entourloupes étaient déjà préparées. Là non, tout est carré.

Nous avons pris, après un premier café qu’elle m’a servi (!) sous la véranda, beaucoup de temps pour faire le tour des lieux. Visite de tout l’hôtel, des cuisines au grenier, avec pour chaque porte des instructions et une clé. Mon trousseau va peser un âne mort, comme dit mon cousin du midi, mais j’en ai l’habitude et je me ferai plusieurs jeux selon les besoins.

Comme tous les tauliers, Dame Jeanne a une lubie, enfin c’est la première que j’ai remarquée : l’alarme incendie, tout juste installée par la société Guinard, qu’elle tient en grande estime, peut-être parce qu’ils ont un si joli camion ? Si elle ne m’avait pas dit vingt fois qu’il fallait surveiller le tableau électrique de l’accueil où est encastrée la bête, je ne l’aurais pas deviné ! Elle a une peur terrible du feu, ça se comprend quand on a fait autant de travaux, où elle semble avoir dépensé sans compter. Je surveillerai donc l’alarme assidûment.

Pour mes horaires, mon idée l’a un peu désarçonnée, mais elle a fini par en voir les avantages. En effet, je n’aurai pas grand-chose à faire dans le coin lors de mes jours de congé, et dans ce métier, si on s’organise bien, on se repose déjà la moitié du temps. Alors je lui ai proposé de ne pas prendre de congés du tout, et en compensation de prolonger mon contrat de travail d’un mois. Ça m’arrange, rapport aux trimestres cotisés, et si je mets du temps pour constituer mon dossier de retraite, j’aurai droit au chômage. Malin mon Lulu, c’est passé crème, comme dit mon autre cousin : elle a tout de suite vu l’intérêt de ne pas avoir à surveiller son alarme deux nuits par semaine, je crois qu’elle s’en inquiétait un peu.

Me voilà donc embauché, je commence le 15 et je vais prendre ces quelques jours pour visiter un peu le coin.

À la descente du car ce matin, j’ai posé rapidement mes affaires chez ma logeuse au village. C’est une vieille amie de ma tante, et elle me laissera un petit deux pièces pour trois fois rien, donnant sur l’arrière de sa maison et son jardin, bien au calme. Dame Jeanne a été un peu décontenancée que je n’accepte pas son offre de me loger, mais je lui ai expliqué que les bruits inévitables dans la journée m’empêcheraient de dormir. Je sais d’expérience que les membres du personnel ne pensent pas que quelqu’un dort juste à côté quand ils vont à la douche et claquent les portes.

Ça va bien se passer, mon Lulu !

 

 

 

 

Commentaires

1. Le lundi, juin 8 2020, 12:22 par Anita

Oui, ça va bien se passer j’en suis sûre. Je savoure déjà les billets à venir, merci.

2. Le lundi, juin 8 2020, 12:24 par June East

Le bal est ouvert !
Belle première danse. * clap clap *

3. Le lundi, juin 8 2020, 13:04 par TarValanion

En voilà deux qui savent s’organiser !
Je comprends la patronne, avec son alarme. Moi aussi, l’idée d’un incendie me stresse. Et j’ai pas 3 étages remplis de visiteurs.

4. Le lundi, juin 8 2020, 13:25 par EnRuine

Ohoh, on se prend déjà au jeu! Sacré Lulu!

5. Le lundi, juin 8 2020, 13:26 par Otir

Voilà une bien agréable surprise !

6. Le lundi, juin 8 2020, 13:40 par Charlotte Naudet

mais cette alarme incendie et cette société incendie . Dans un ERP ( établissement recevant du public ) on doit faire des essais réguliers d’alarme donc un de nuit pour les hotels : va t’il en avoir un ?

7. Le lundi, juin 8 2020, 14:09 par Lucien

@Charlotte Naudet : les essais ont été réalisés par M. Guinard lui-même ! Mais si les pensionnaires font trop la foire, il n’est pas dit que je ne déclencherai pas une alarme moi-même…

8. Le lundi, juin 8 2020, 15:11 par Arbrav

Il ne serait pas un brin cabochard Monsieur Lucien? Avec Madame Lalochère qui ne s’en laisse pas compter, il pourra y avoir des étincelles… tant que l’alarme ne se déclenche pas!

9. Le lundi, juin 8 2020, 15:30 par Lilou

Je suis bien d’accord avec Madame Lalochère sur tout ce qui concerne la sécurité, d’ailleurs je vérifie toujours où se trouvent les issues de secours on ne sait jamais.
Mais déclencher une Alarme en pleine nuit peut-être stressant quand même.

10. Le lundi, juin 8 2020, 15:55 par Mathias Poujol-Rost

Je suivrai cela avec attention.

11. Le lundi, juin 8 2020, 16:39 par Sacrip'Anne

Héhéhé l’art de répartir 35 heures de travail… par mois ?!

12. Le lundi, juin 8 2020, 16:55 par Laurent

Voilà une belle entrée en matière qui pose le décor et un premier personnage. C’est vrai que de loger à l’extérieur offre l’avantage de faire un break et dormir le jour, ou du moins, la matinée complète et sans bruits intempestifs est une nécessité (j’ai moi aussi mon expérience dans l’hôtellerie de nuit ;-)

Impatient de lire la suite !

13. Le lundi, juin 8 2020, 23:36 par Tristan

C’est parti mon Lulu ! (Je kiffe déjà !)

14. Le mardi, juin 9 2020, 08:51 par Ginou

Le ton est donné ! Nous allons nous régaler : une bonne lecture pour l’été !

15. Le mardi, juin 9 2020, 10:24 par Franck

Hé hé, je dois avoir quelque part les coordonnées exactes de l’emplacement du camion en question ! Je les échange contre un spécimen de dahu en bonne santé \o/

16. Le mardi, juin 9 2020, 18:05 par samantdi

Dame Jeanne serait-elle portée sur la bouteille ?

17. Le mardi, juin 9 2020, 19:33 par Lucien

samantdi : je ne l’ai pas dit, on est bien d’accord ? Pas envie de me faire virer, hein…

18. Le mardi, juin 9 2020, 22:37 par Tomek

@Franck: Mais, près de l’auberge, n’y a-t-il pas des panneaux “Attention ! Traversée de dahus” ?